Conférence prononcée par « le Gaulois » le 25 avril 1996 devant le M.L.F.

(Mouvement de Libération des Fouteurs)



Mesdames et Messieurs,

Messieurs et Mesdames,



Nous sommes tous réunis aujourd'hui pour nous pencher sur un problème fondamental soulevé par notre civilisation occidentale, on ne peut plus oisive et nantie : les rapports non seulement sexuels, mais aussi grammaticaux femme-homme ou homme-femme, c'est selon.

En effet, depuis qu'une sous-ministresse à l'Instruction Publique, Madame Pire-Haleine (ou Pyralène, selon le jeu de mots du Canard Enchaîné) Ségal, porte-parole d'un mouvement de pensée nébuleux et obscurantiste appelé « la rectitude politique », a exigé qu'on l'appelle Madame LA Ministre, toutes les femmes de toutes les professions ont exigé à leur tour la féminisation de leur titre : doctoresse, ministresse, avocatesse, pompiéresse, jugesse, fonctionnairesse etc. (ça rime harmonieusement avec fesse) ; ou bien alors professeure, recteure, procureure, auteure etc. (ça rime harmonieusement avec faire son beurre).

Ceci en soi n'est pas mauvaise chose. Mais l'affaire a pris des proportions inquiétantes pour la santé de notre belle langue française, bellement défigurée déjà par les coups de boutoir portés par le patois anglo-saxon véhiculé par les ânes bâtés de l'informatique et de la publicité, secondés en cela par l'in-culturation de la presse écrite et télévisée.

Alors, devant tant d'exagérations et de mésusage de notre vieux langage françois, notre mouvement a décidé de réagir.

L'on note de si nombreux abus de langage en ce qui concerne l'attribution des genres, que c'est devenu un scandale. En effet, ne dit-on pas : une vigie, alors même que la personne qui est en vigie est de sexe masculin ? Ne dit-on pas une sentinelle, alors que la plupart du temps la personne en sentinelle est de sexe masculin ? Et puis une vedette, une recrue, une estafette, une ordonnance, une bleusaille... Ou bien même une personne, – qu'elle soit mâle ou femelle. Et cela va encore plus loin : ne dit-on pas Monsieur Untel, sage-femme, alors que cette personne est de sexe masculin ?

Et s'il n'y avait que les êtres humains touchés par ces aberrations grammaticales ! Ne dit-on pas une panthère, même si l'animal est de sexe mâle ? Ne dit-on pas une grenouille ou une girafe, même si l'animal est de sexe mâle ? Les exemples pullulent, et tous les recenser prendrait des heures, voire des journées entières.

Notre mouvement se propose d'exiger la masculinisation des termes apauravant féminins, et qui concernent des personnes de sexe masculin : un vigie, un sentinelle, un sage-homme etc. De plus nous exigeons la masculinisation des animaux de sexe mâle : un panthère (panthère de sexe mâle), un grenouille (grenouille de sexe mâle), un girafe (girafe de sexe mâle) etc. Ce n'est que justice.

Notre mouvement va encore plus loin, et exige la masculinisation de termes féminins, servant à désigner des parties strictement masculines du corps masculin : un couille, un bite, un verge … Ça la fout mal que de dire : « J'ai une grande bite » ou « Ce type a de grosses couilles ». Non, il va falloir dorénavant dire : « J'ai un grand bite " ou « Ce type a de gros couilles ». Pour les fesses, vu leur perceptible et palpable arrondissement, on peut les laisser au féminin. Mais je préconise de dire une fesse si c'est en parlant d'une femme, ou un fesse si c'est en parlant d'un homme (les fesses masculins sont plus carrés).

Et puis, on en a marre d'entendre parler de la virilité. Il faudra maintenant dire : le virilité. Et enfin, nous n'exigeons pas la masculinisation des termes, mais bien le masculinisation.

Voilà, Mesdames et Messieurs, Messieurs et Mesdames, l'objet de ma conférence et j'espère que mes modestes propositions trouveront auprès de vous un écho favorable.

Sur ce, le Gaulois revêtut son paletot à cinq sous, prit son parapluie de sexe mâle (il existe aussi des parapluies de sexe femelle, la plus connue est la vanessa parapluie), et s'en fut dévorer un sandwich (également de sexe mâle) arrosé d'une fameuse bière belge (de sexe femelle). (1)






(1) L'auteur a trouvé dans ses recherches sur internet le passage suivant, qui préfigure la Conférence du « Gaulois » :
L'idée va dès lors s'imposer que le français serait une «langue sexiste, langue à changer, langue à libérer», selon les mots de Margaret Andersen. S'appuyant sur l'équation selon laquelle le genre grammatical recouvrirait le sexe, cette dernière prend personnellement offense du fait que les noms d'arbres soient masculins et, «en guise de protestation», va jusqu'à proposer un poème qu'elle a rédigé, où ils sont au féminin:

[...] oui, même le saule pleureur, le premier à faire entrevoir l'arrivée du printemps est mâle
[...] Alors veux-tu amie, que nous inventions la giroflière, la tulipière, qu'empêche que ce soit une campêche, arbres franches à fruits douces, l'abricotière et la cerisière
[...] (1983: 39).

Diificile de trouver mieux en ce qui concerne le néo-crétinisme féministe. Apparemment la jeune et sympathique Margaret Andersen ne connaît pas le japonais, oú la grammaire a un sexe, les femmes ne parlant pas du tout comme les hommes.



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